Je pense que le deuil du bien-être acquis pour la vie est celui par lequel doit passer toute personne qui se lance dans le grand chemin du « développement personnel”. Le deuil de ce fantasme de bien-être absolu, de Bonheur que veut nous vendre la société actuelle, d’une guérison totale qui nous permettrait un jour d’être stable et heureuse pour toujours. L’expérience de l’existence implique de passer par des états contrastés. Elle met des épreuves sur notre chemin, et pour avancer elle nous demande de faire preuve de courage.
Il n’y a pas de solution miracle
Malheureusement, dans ce monde du développement personnel, certaines personnes prennent avantage de la fragilité dans laquelle nous pouvons nous trouver lorsque nous avons besoin d’aide. Ces personnes promettent alors des résultats immédiats, elles se connectent à nos peurs pour nous vendre un mirage.
Alors, si quelqu’un vous assure une solution miracle, un soin/une séance (de n’importe quelle approche qu’elle soit) qui nettoierait comme par magie tout votre transgénérationnel ou encore tous vos blocages ou fausses croyances, fuyez (vous pouvez rire aussi).
Soit cette personne a réellement un égo surdimensionné, soit elle n’a jamais entamé un processus sur elle, soit elle en veut uniquement après votre argent.
Personne ne sait mieux que vous
Je ne dis pas que nous, les thérapeutes de tous horizons, sommes inutiles, je ne dis pas que parfois juste une séance suffise pour nous apaiser, nous relâcher, nous offrir exactement ce dont nous avions besoin à ce moment précis.
Je dis que cette séance, aussi incroyable soit elle, ne vous libérera jamais de tout pour toujours. Elle vous aura permis d’avancer, de gagner en perspective, de mieux vous connaître. Elle fait partie de votre cheminement, c’est une des milliers de briques qui vous permet de vivre une vie épanouissante, jamais la seule. Et surtout, jamais une personne n’aura le pouvoir de tout guérir en vous. Vous êtes porteurs des clés de votre chemin unique, personne ne sait mieux que vous à quoi pourrait ressembler une vie épanouissante.
Gagner en liberté
Ressentir de la colère ou de la tristesse est sain et fait partie intégrante de ce grand voyage qu’est la vie. Travailler sur soi ne vous évitera pas de repasser par des deuils, des blessures, des difficultés. Par contre, tous ces vécus pourront être ressentis avec plus de conscience, les traumas ou blessures passés ne seront plus si vifs mais mieux intégrés à l’histoire de vie. Nous ne nous sentirons plus prisonnièress de schémas qui nous dépassent, car la lucidité nouvelle permet une prise de recul et une nouvelle créativité dans nos façons de réagir et de nous défendre. Nous gagnerons donc en flexibilité, en nuance, et, évidemment, en liberté.
Quand est-ce que je serai guérie ?
D’accord, merci, mais du coup, quand est-ce que je serai guérie ? C’est une question que mes patients me posent parfois, que je me suis posée aussi. Premièrement, qu’est-ce que la guérison ? En faisant le deuil de cette inaccessible étoile du “parfaitement bien, confiante, heureuse, épanouie, sûre de moi, tout le temps, de façon stable”, l’enjeu de la guérison se modifie déjà.
A ce stade de ma vie, je pense que certaines blessures peuvent réellement cicatriser, alors que d’autres restent plus fragiles, vives. Nous devons dès lors en prendre soin davantage car la douleur ressurgit plus facilement. Nous pouvons apprendre à les reconnaître, à avoir de la compassion pour soi, à être créatives dans la manière de gérer la douleur, mais pas tout guérir.
Changer notre perspective
Néanmoins, si la vie ne nous épargne pas de ses épreuves, nos réactions face à celles-ci, notre vision de la vie et notre certitude d’avoir les ressources et surtout de savoir nous écouter changent notre perspective.
Alors, si vous aussi vous vous demandez parfois pourquoi avoir ouvert la boîte de Pandore en débutant un “travail personnel”, je ne peux pas vous dire qu’un jour tout sera parfait et que vous ne souffrirez plus. Mais je peux assurer que la vision de la vie peut évoluer, que nous pouvons apprendre à nous connaître, nous écouter, oser l’entièreté, la vulnérabilité et donc intégrer les différentes parties de nous et ainsi accéder à une vie plus libre et authentique. La guérison, c’est peut-être l’acceptation et la connexion avec les différentes parties de soi (et donc l’acceptation et la connexion réelle avec l’autre) ainsi que l’acceptation de l’expérience de l’existence dans toutes ses formes et l’ouverture à la vivre selon nos aspirations et plus sous le jonc des injonctions et du conformisme qui risque d’enfermer et de nous faire passer à côté de nous même.
